Mon cher Bartok,
Autour de l’attachante personnalité de Jean Cras se sont réunis le Trio Alphéa (Thierry Juffard, violon, Blandine Leydier, alto, Pierre Nentwig, violoncelle), Geneviève Marot, illustratrice et auteure de BD et Jean Michel Frémont, auteur et comédien.
Geneviève Marot dessinera en direct sur le texte écrit et joué par Jean Michel Frémont, une correspondance imaginaire de « l’Amiral des arpèges » adressée à Bela Bartok et sur la musique du Trio Alphéa interprétant Cras, Saint-Saëns, Dohnanyi, Berlioz, Shubert, Mozart, Brahms, Bartok et Beethoven.
De la folle tournée européenne de trois ans du bambin Mozart au traineau de fer de Berlioz dans les steppes glacées, des navigations audacieuses de Jean Cras aux pérégrinations transylvaniennes de Bela Bartok, le voyage est présent, réel ou fantasmé, le voyage nourrit la création, l’ailleurs ouvre sur le monde pour ramener à soi.
***
coup de cloche
PREMIER QUART
Mon cher Bartok, je reviens à l’instant de la Passerelle, où la forte houle se joue de nous plus encore que dans ma cabine.
J’ai tenu un moment compagnie à l’Officier de Quart. On ne ferait aucune différence, tant l’horizon est absent, entre la silhouette d’un rocher de la côte et celle d’un autre navire.
Mais mon bateau de guerre possède une arme que l’ennemi est bien loin de soupçonner : mon cher piano, qui m’a suivi sur les mers depuis toujours.
Je vous prie de m’imaginer un instant, vous qui êtes peut-être à cette heure-même au fond de la campagne magyare à recueillir de précieuses mélodies ancestrales.
D’abord, au milieu des gémissements, je m’entends à peine. Ensuite, il me faut tenir les jambes écartées pour ne pas aller rouler dans un coin.
Et malgré cela, dans les forts coups de roulis, je suis obligé de lâcher tout et de saisir d’une main la jambe du piano, de l’autre la partition qui veut fuir.
C’est peut-être la première fois qu’on se risque à jouer Beethoven au milieu des flots courroucés.
Inutile d’ajouter d’ailleurs que sa musique enchanteresse est loin d’adoucir les moeurs de la mer trop bestiale.
N’importe, je continue à jouer… C’est une sensation nouvelle que d’exécuter l’appasionnata sur un piano qui décrit de grands arcs de cercle, ayant au-dessus de soi le ronflement du vent dans les cordages, et tout autour mille hurlements féroces !
Tant de nuits de tempêtes m’auront ainsi forgé, mon cher Bartok, et tant d’aubes suaves à leur suite m’auront inspiré ma musique.
Et mon bateau, son être profond, oui, son être, dis-je, modèle mon art.
Comprenez : une année durant, j’ai suivi pas à pas l’armement de mon cher Croiseur le Lamotte-Picquet, et une année encore, j’ai vécu dans son ventre d’acier neuf, au rythme des machines brillantes comme des miroirs, développant à mon ordre jusqu’à 115 000 chevaux pour fendre la mer.
115 000 chevaux composant un Trio à cordes !
Je ne suis qu’un passeur, mon cher Bartok…
Comprenez : Compositeur, je suis l’esclave ; marin, je suis le maître. Composer, c’est pour moi obéir à une volonté supérieure, qui me dicte mes volontés et que je sers avec l’ivresse de l’humble disciple dont le seul but est d’exécuter le mieux possible les ordres de son maître…
Sur ma passerelle, quel sentiment différent ! Cette fois, je suis le maître : je commande et suis seul responsable des ordres que je donne.
Je sens sous mes pieds mon bateau comme un cavalier son cheval, frémissant, nerveux, prêt à s’emporter au hasard, et qui, pourtant, maîtrisé, suit la route que lui impose son maître.
Aussi, quel orgueil lorsque je réussis une manoeuvre difficile, lorsque je sens que j’ai dominé les éléments.
Liaison collée
Jean Cras
Trio à cordes, 1er mouvement
Tuilage - fin note - résonance - respiration musiciens - dessin - texte
Mon cher Bartok, je viens de terminer une lettre à ma tendre épouse où je lui avouais mon bonheur de partager tant d’amour avec elle. Et partager, aussi, l’amour de la mer.
La mer, si elle est dure parfois, trempe le caractère, élargit l’horizon de la vie et ouvre le coeur. Je ressens profondément que le voyage me rend capable d’aimer d’avantage et je lui reviens plus digne encore de son amour.
Mon coeur, au lieu de se ratatiner comme celui d’un notaire, se sera épanoui au grand vent du large. Le voyage est richesse, le voyage est salut…
Le cher Saint Saëns l’écrivait à son ami Gallet, vous souvenez-vous ?
« Quand vous recevrez cette lettre, je serai entre le ciel et l’eau, voguant vers une destination que vous connaitrez plus tard.
J’accomplis un des actes de la pièce dont j’ai tracé le scénario au mois de janvier dernier. J’ai eu tout le temps de réfléchir, pendant mes longues insomnies, et mes réflexions me montraient la vie devenue impossible pour moi, la folie ou le suicide au bout de tous les chemins.
Impossible d’organiser mon existence, impossibilité de rester à Paris l’hiver à cause de mes poumons, impossibilité partout ;
un dégoût affreux de la vie surmenée et inutilement bousculée, la nuit se faisant sur mon intelligence .
Que faire pour échapper à cette situation ?
Une seule chose, couper tous les câbles, chercher au loin, sous d’autres climats, les moyens de me refaire un autre moi-même. »
Un temps - regard à Thierry
Saint Saëns
Ah, l’exotisme ! Cher ami lointain, cher Bartok, nous connaissons, nous aussi, cette quête du précieux et douloureux plaisir de l’exil volontaire. Cette quête de l’artiste voyageur, chamane insaisissable sans cesse déchiré puis recomposé au centre de son propre tourbillon de merveilles et d’angoisses. Il est ancré irrémédiablement dans la glaise d’une campagne ancestrale ou bien au coin d’une rue populeuse de la ville natale; de là son être s’étend, s’étire, s’ectoplasmise à l’infini vers des horizons de mer, de sable, d’espace. Etonnants schizophrènes que les artistes, jongleurs équilibristes entre la vie et la mort, l’archet brandi, le pinceau levé, vivant, quoi qu’il arrive !
Dohnanyi
Sérénade pour trio à cordes, 1er et 2ème mouvement
coup de cloche
DEUXIEME QUART
Cette nuit encore, les flots rugissants contre la coque de mon bateau me paraissent une cavalcade infernale menée par Méphistophélès en personne !
Hop, hop ! « Regarde autour de nous cette ligne infinie de squelettes dansant, avec quel rire horrible ils saluent en passant », nous chante le Grand Hector Berlioz, hop, hop, « pense à sauver ta vie et ris toi des morts » !
Musique puis Ha ha ha collectif
Allons, Docteur Faust, allons, mon cher Bartok !
Il me revient en mémoire la relation de son infernal voyage en traineau de fer, dans les steppes glacées de Russie :
« Une voiture de poste me conduisit jusque sur la frontière russe, à Tauroggen ; là il fallut m’enfermer dans un traîneau de fer que je ne devais plus quitter jusqu’à Saint-Pétersbourg, et où j’allais éprouver pendant quatre rudes journées et autant d’effroyables nuits des tourments dont je ne soupçonnais pas l’existence.
En effet, dans cette boîte métallique hermétiquement fermée, où la poussière de neige parvient à s’introduire néanmoins et vous blanchit la figure, on est presque sans cesse secoué avec violence, comme sont les grains de plomb dans une bouteille qu’on nettoie.
De là force contusions à la tête et aux membres, causées par les chocs qu’on reçoit à chaque instant des parois du traîneau.
De plus on y est pris d’envies de vomir et d’un malaise que je crois pouvoir appeler le mal de neige à cause de sa ressemblance avec le mal de mer.
On croit généralement dans nos climats tempérés que les traîneaux russes, emportés par de rapides chevaux, glissent sur la neige comme ils feraient sur la glace d’un lac ; on se fait en conséquence une idée charmante de cette manière de voyager.
Or, voici la vérité là-dessus : quand on a le bonheur de rencontrer un terrain uni, couvert d’une neige vierge ou battue partout également, le traîneau court en effet d’une façon rapide et parfaitement horizontale.
Mais on ne trouve pas deux lieues sur cent de chemin pareil. Tout le reste, bouleversé, creusé de petites vallées transversales par les chariots des paysans
Quand le brillant soleil de certains jours me permettait d’embrasser d’un coup d’œil ce morne et éblouissant désert, je ne pouvais m’empêcher de songer à la trop fameuse retraite de notre pauvre armée disloquée et saignante;
je croyais voir nos malheureux soldats sans habits, sans chaussures, sans pain, sans eau-de-vie, sans forces morales ni physiques, blessés pour la plupart, se traînant le jour comme des spectres, étendus la nuit sans abri, comme des cadavres, sur cette neige atroce, par un froid plus terrible encore que celui qui m’épouvantait.
Et je me demandais comment un seul d’entre eux a pu résister à de telles souffrances et sortir vivant de cet enfer glacé...
Il faut que l’homme soit prodigieusement dur à mourir.
Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux, nous irons, ma belle,
Pour cueillir le muguet au bois;
Sous nos pieds égrenant les perles
Que l'on voit, au matin trembler,
Nous irons écouter les merles
Siffler.
Berlioz
Vilanelle
Mouvements de Geneviève et JM vers les musiciens, installation - silence
M1 - 1à8
JM Qui chevauche si tard à travers la nuit et le vent ?
C'est le père avec son enfant. Il porte l'enfant dans ses bras,
Il le tient ferme, il le réchauffe.
JM Mon fils, pourquoi cette peur, pourquoi te cacher ainsi le visage ?
M2 - 42à45
Ge Siehst Vater, du den Erlkönig nicht !
JM Le roi des Aulnes, avec sa couronne et ses longs cheveux ?
Ge Den Erlenkönig mit Kron' und Schweif ?
JM Mon fils, c'est un brouillard qui traîne.
Ge Du liebes Kind, komm geh' mit mir ! JM-Viens, cher enfant, viens avec moi !
Ge Gar schöne Spiele, spiel ich mit dir, JM-Nous jouerons ensemble à de si jolis jeux !
Ge Manch bunte Blumen sind an dem Strand, JM-maintes fleurs émaillées brillent sur la rive
Ge Meine Mutter hat manch gülden Gewand.
JM-Ma mère a maintes robes d'or.
Ge Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht, Was Erlenkönig mir leise verspricht ?
M3 81à86
JM Sois tranquille, reste tranquille, mon enfant :
C'est le vent qui murmure dans les feuilles sèches.
Ge Willst feiner Knabe du mit mir geh’n ?
JM Gentil enfant, veux-tu me suivre ? Mes filles auront grand soin de toi ;
Ge Meine Töchter sollen dich warten schön, Meine Töchter führen den nächtlichen Reihn. Und wiegen und tanzen und singen dich ein
JM Elles te berceront, elles t'endormiront, à leur danse, à leur chant.
M4 - 87à90
Ge Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort Erlkönigs Töchter am düsteren Ort ?
JM Mon fils, mon fils, je le vois bien : Ce sont les vieux saules qui paraissent grisâtres.
Ge Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt, JM-Je t'aime, ta beauté me charme,
Ge Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt! JM-Et, si tu ne veux pas céder, j'userai de violence.
Ge Mein Vater, mein Vater, jetzt fasst er mich an,
Erlkönig hat mir ein Leids getan.
M5 - 131à132
JM Le père frémit, il presse son cheval,
Il tient dans ses bras l'enfant qui gémit ;
Il arrive à sa maison avec peine, avec angoisse :
Erreicht den Hof mit Mühe und Not,
In seinen Armen das Kind war tot.
Schubert
Le roi des Aulnes
Silence - calme - adresse amicale à Thierry, puis au public, mouvement JM
Nannerl ! Dites, Bartok, avez-vous jamais pensé à Nannerl, alias Maria Anna Walburga Ignatia Mozart ?
On l’a décrite comme un génie aussi grand que son frère Wolgang Amadeus. Mais on l’a reléguée, enfermée, niée, réduite à l’état d’épouse d’un homme qu’elle n’aimait pas, interdite de jouer en public, interdite même de composer la moindre pièce !
Pourtant, avec leur père, les deux bambins - elle a 12 ans et son frère en a 7, parcourent l’Europe pendant trois ans. On a peine à imaginer.
Nous qui nous piquons de voyages, pouvons-nous deviner ce que cette équipée à pu produire sur ces deux jeunes esprits, tenus de réaliser des prodiges à chaque étape devant des parterres de Princes et de Bourgeois parfois hautains, voire méprisants ?
J’ai compté 28 villes, et dieu seul sait combien de concerts, d’auditions, de concours. Quiconque agirait ainsi avec ses enfants serait aujourd’hui qualifié de tyran.
Et Nannerl, avec son air sérieux, dut se soumette à la dure loi des mâles et abandonner cette passion dont pourtant son père sut bien profiter tant qu’elle était jeune fille.
Prospectus du concert de Francfort.
Août 1763.
Impressionnant et navrant tout à la fois :
Bateleur
Dans ce concert paraîtront la petite fille qui est dans sa douzième année et le petit garçon qui est dans sa septième.
Non seulement tous deux joueront des concertos sur le clavecin ou le piano-forte — et la petite fille, même, jouera les morceaux les plus difficiles des plus grands maîtres — mais en outre le petit garçon exécutera un concerto sur le violon ;
il accompagnera au piano les symphonies ; on recouvrira d’un drap le clavier du piano et par-dessus ce drap l’enfant jouera aussi parfaitement que s’il avait les touches devant les yeux,
il reconnaîtra aussi, sans la moindre erreur, à distant, tous les sons que l’on produira, seuls ou en accords, sur un piano ou sur tout autre instrument imaginable, y compris des cloches, des verres, des boîtes à musique, etc…
Enfin, il improvisera librement (aussi longtemps qu’on voudra l’entendre, et dans tous les tons qu’on lui proposera, même les plus difficiles), non seulement sur le piano, mais encore sur un orgue, afin de montrer qu’il comprend aussi la manière de jouer de l’orgue, qui est tout à fait différente de la manière de jouer du piano.
Le prix sera d’un petit-thaler par personne. On peut se procurer * des billets à l’Auberge du Lion d’Or.
* départ musique
Mozart
KW 563, allegro - 9 minutes
coup de cloche
TROISIEME QUART
L’autre jour, prenant conscience du temps qui passe et qui laisse sur nos vies une trace telle que celle du voyage de mon navire sur la carte des mers, je remarquais que le grand Johannes Brahms était mort le 3 avril 1897.
Votre ami Dohnanyi, dont Brahms appréciait les oeuvres, avait 20 ans, moi 18, et vous, mon cher Bartok, 16 ans.
Imaginez-vous un instant que nous aurions pu nous retrouver tous au côté du vieux Maître ?
Peut-être auriez-vous interrogé le génie sur son choix du mot « rapsodie » ? C’est, je crois, son amie Elisabeth von Stockhausen, proche de Chopin et d’Alkan, qui lui souffla le titre de ses deux pièces de l’Opus 79.
Ô, chants et mélodies populaires, âmes slaves et balkaniques, merveilleuses inspiratrices des poètes voyageurs.
Sentez-vous que Brahms est comme un lien entre nous qui vivons des siècles modernes, et les grands anciens qui étaient ses inspirateurs directs, Bach, Mozart, Beethoven…
Qu’avons-nous hérité d’eux ? Sommes-nous dignes de cet héritage ?
Ecoutez ! on entend tout chez Brahms, Bach, d’abord, et toujours, l’héritier de toute la tradition polyphonique européenne, le génie aux multiples facultés combinatoires, le virtuose du contrepoint,
puis Mozart, le plus brillant des fondateurs de ce l’on nommera « le style Classique », qui met en avant le thème, la mélodie, rompant avec l’époque baroque,
enfin Beethoven, ce fou, cet illuminé qui commence sa première symphonie par un accord de septième de dominante ! « C’est l’explosion désordonnée de l’outrageante effronterie d’un jeune homme ! », écrivit la critique.
Musiciens « au chevet de Brahms »
Brahms, mon cher Bartok, et nous trois à son chevet, sommes des voyageurs du temps dès que nous posons des notes sur une portée…
Brahms
Rhapsodie en sol mineur, op 79, n°2 - 6 minutes
JM regards sur les 4 compères
Digne héritier, disais-je ? Vous l’êtes, à coup sûr, mon cher Bartok.
Me permettrais-je de vous expliquer comment ? Et bien voici :
Comme nos prédécesseurs, vous savez rompre avec la tradition sans cesser de l’aimer et de la respecter, et vous enrichissez la musique d’une énergie nouvelle.
Et avec quelle fougue, mon cher Bartok ! Comme j’aimerais être certain du tracé de ma route, moi, l’homme des mers, « mobilis in mobile » le Nemo de Jules Verne, autant que vous l’êtes de votre chemin de pèlerin des solides terres balkaniques !
Je ne résiste pas au plaisir de relire votre pamphlet enthousiaste, déclamé sans doute du haut d’une colline à votre ami Kodàly :
« Même si nous n’avons pas eu jusqu’à présent de musique savante hongroise, nous avons bel et bien une musique populaire spécifique et de valeur.
Mais ils ne la connaissent pas, ils ne l’étudient pas et ils ne l’apprécient pas, nos compatriotes qui s’enthousiasment de façon grandiloquente pour des particularités nationales.
Ils n’en connaissent que cette centaine de mélodies que nos solistes tziganes ont daigné emprunter au peuple pour en rebattre les oreilles de la gentry au son de leurs violons,
tout en les déformant d’une manière inimaginable avec leur fantaisie orientale, jusqu’à les rendre presque méconnaissables.
A ceux qui ne savent pas quelle immense différence il y a entre les ornementations à la hongroise ou à la tzigane, je conseillerais de prêter attention à la façon dont n’importe quel paysan hongrois utilise sa cornemuse ou son pipeau pour musiquer. »
Collé subtil…
Bartok
Suite opus 14, allegretto - 5 minutes
QUATRIEME QUART
coup de cloche
Adresse au 4 compères, mouvements JM parmi eux
Ma veille bientôt s’achève, la terre est en vue.
Dans quelques heures, mon navire, amarré à quai pour quelques semaines, reposera ses flancs battus au calme clapot de la Rade.
Chaque marin retournera alors à sa terre, à sa famille, à l’être aimé, aux amis qui l’attendent. « Salut, le voyageur ! » Et chacun de demander un récit, une anecdote, un détail sur la vie de la mer.
Mais comment partager l’aube et le couchant, l’ouragan, la mer d’huile, la houle, le roulis, le hurlement du vent, la peur du récif et l’enchantement des nuits d’étoiles ? Beaucoup ne peuvent parler.
Certains ont le bonheur d’être poètes, peintres, ou bien compositeurs. Mon cher Bartok, ici se termine ma correspondance avec vous, merci de m’avoir si bien écouté, par delà le temps et l’espace.
Rappelons nous les mots du grand Beethoven:
« Ô vous ! hommes qui me tenez pour haineux, obstiné, ou qui me dites misanthrope, comme vous vous méprenez sur moi »
Beethoven
Trio en sol mineur, opus 9, 1er mouvement